jeudi 28 septembre 2017

l’art, la mythologie.



Partie 1: Le miroir

Partie 2: La découverte du miroir

Partie 3: Le miroir et la physique

Partie 4: l’art, la mythologie.

Il existe nombreux mythes, légendes ou histoires autour du miroir.

Dans la mythologie Japonaise

La Légende d’Amaterasu

Le miroir est associé à de nombreuses légendes antique en particulier celle d’Amaterasu, divinité du soleil, et considérée comme la divinité souveraine du Japon.
Amaterasu O mi kami, (Auguste Divinité qui illumine le ciel), la déesse du soleil et reine des « hautes plaines célestes » (Takama-no-hara ou Takama-ga-hara) est la plus honorée des kamis du panthéon shintoïste japonais.
La légende raconte,
Nés des deux premiers Kami de la mythologie shinto, Amaterasu et Susanoo annoncent la différenciation du monde matériel et du monde spirituel. Ils incarnent ces deux aspects dont l’action conjointe est indispensable pour que le monde céleste et le monde terrestre puissent être liés.
Mais rapidement, Susanoo, représentant le monde matériel, physique, terrestre, fut affligé devant les difficultés insurmontables auquel il devait faire face, et devint insupportable envers sa sœur qui régnait paisiblement sur « la plaine du haut ciel ».
Terriblement affectée par le comportement outrancier de son frère, la Déesse du Soleil alla se cacher dans une grotte qu’elle referma à l’aide d’un gros rocher, plongeant ainsi le ciel dans une totale obscurité ; et les démons en profitèrent pour jeter le monde dans le chaos.
Afin de la faire sortir, et par la même occasion arrêter le mal qui profitait de l’obscurité pour se répandre, huit myriades de kami se réunirent.
Les prières et les supplications ne convainquirent pas la divinité d’abandonner sa retraite.
La décision qui fut alors prise consista à accrocher aux branches d’un arbre situé devant la caverne, un miroir de bronze, circulaire, fabriqué par le cyclope forgeron Ishikori Dome.
Comme Amaterasu pointa son regard au seuil de la grotte pour s’enquérir de ce qui se passait, Ame-no-Uzume lui annonça que la cause d’un aussi joyeux tumulte était la découverte d’une Déité encore plus brillante que la Déesse du Soleil Celle-ci, intriguée, sortit un peu plus de la caverne.
Quand Amaterasu émergea enfin de la grotte, et, très subtilement, Ame-no-Uzume plaça un miroir devant Amaterasu. le cosmos fut à nouveau baigné de lumière.
Elle est généralement représentée par un miroir métallique et ses représentations sous forme humaine sont plus récentes et d’origine populaire. Elle est traditionnellement vêtue d’un vêtement blanc à la doublure rouge et porte les cheveux longs et défaits.
Plus loin dans la légende, Amaterasu confie le miroir à son petit-fils qui va gouverner le monde des hommes (nous aborderons la signification de cet échange et que représente le miroir dans le shintoïsme par rapport à la conscience, l’âme).

Dans la mythologie grecque,

La légende de Persée a connu une grande fortune après l’Antiquité, en particulier les épisodes de Méduse et d’Andromède.
Il est probable qu’elle ait influencé les légendes chrétiennes des saints pourfendeurs de dragon, comme celle de saint Georges.
Le bouclier de Persée aussi brillant qu’un miroir lui permet ainsi de tuer la gorgone Méduse.
Méduse, une des trois gorgones, est la seule à être mortelle.
Son regard changeait les hommes en pierre.
Persée reçoit une aide des dieux. Athéna lui prête son bouclier de bronze poli qui sert de miroir.
Ce bouclier servira de « rétroviseur » à Persée qui peut ainsi reculer sans regarder directement en direction de Méduse.
Hermès lui remit une serpe pour trancher la tête de Méduse et un sac en cuir pour transporter la tête coupée.
Hermès lui indique également comment il peut obtenir le casque d’Hadès qui permet de se rendre invisible et les sandales magiques.

Mystérieux miroir et encore …

Ce Mystérieux miroir qui a captivé les philosophes grecs, les théologiens du Moyen âge, et plus tard les humanistes de la Renaissance, a été étudié en peinture, en littérature, en philosophie et même en métaphysique.
Il a été la métaphore de la peinture, en effet l’œil du peintre tel un miroir a capté les images et les a recomposé.

Dans le film de Jean COCTEAU ORPHEE

« les miroirs sont les portes par lesquelles la Mort va et vient, ils s’ouvrent sur les enfers. D’un côté du miroir ce monde de chair et d’amour celui d’ORPHÉE et d’EURYDICE. De l’autre l’univers glacé de la mort et entre les deux la surface réfléchissante froide et polie de la glace.
Un thème récurrent dans bien des ouvrages et des œuvres comme dans Orphée de Jean Cocteau. Muni de gants magiques, Orphée interprété par Jean Marais avait le pouvoir de traverser les miroirs.
Pour Alice comme pour Orphée, il était question de découvrir des mondes imaginaires imaginés où l’illusion n’a de rivale que la poésie de l’espace réflexif devenu espace « expérimentatif ».
Si Orphée est l’Aède de Thrace, l’enchanteur qui sait lire les oracles et interpréter les mystères, il est aussi le héros insoumis qui a le pouvoir de traverser le miroir et d’affronter la mort.
La symbolique des miroirs est riche et variée : tour-à-tour passage, fenêtre, révélateur ou encore piège, le miroir est objet mythique et plus encore objet magique.

Les contes en ont fait bon usage :

De Blanche-Neige1 à Peau d’Âne2 en passant par La Belle et la Bête3, le miroir avait bonne place.
Chez la première, il était porteur de la Vérité.
Dans le célèbre conte des frères Grimm la marâtre de l’héroïne possède un miroir magique lui révélant avec vérité quelle est la plus belle femme au monde
(La reine) possédait un miroir magique, don d’une fée, qui répondait à toutes les questions. Chaque matin, tandis que la reine se coiffait, elle lui demandait :
– Miroir, miroir en bois d’ébène, dis-moi, dis-moi que je suis la plus belle. Et, invariablement, le miroir répondait :
– En cherchant à la ronde, dans tout le vaste monde, on ne trouve pas plus belle que toi. »
« La reine croyait être de nouveau la plus belle femme du monde. Un jour, elle voulut se le faire confirmer par son miroir. Le miroir répondit :
– Reine, tu étais la plus belle, mais Blanche neige au pays des sept nains, au-delà des monts, bien loin, est aujourd’hui une merveille.
La reine savait que son miroir ne mentait pas. Furieuse, elle comprit que le garde l’avait trompée et que Blanche neige vivait encore.» »
Pour les deux autres, il était fenêtre sur le monde extérieur, leur montrant ce à quoi elles n’avaient pas ou plus accès : l’insaisissable…
Tout le monde se souviendra qu’il servit de passage dans le second volet dédié à la célèbre Alice.
Le roman de Lewis Carroll, qui fait suites aux « Aventures d’Alice au pays des merveilles », raconte comment Alice, à moitié assoupie dans un fauteuil, se retrouve transportée derrière le miroir de son salon

Dans, « La Dispute »,

Une pièce de théâtre dans laquelle Eglé, une jeune fille, découvre son visage pour la première fois dans l’eau d’un ruisseau qui réfléchit son image, et se trouve extrêmement jolie
La Dispute est une comédie en un acte et en prose de Marivaux représentée pour la première fois le 19 octobre 1744 par les comédiens français à la Comédie Française.
Au début du « Spectateur français » de Marivaux, le narrateur est séduit par une jeune femme qui lui semble belle et élégante naturellement et sans effort. Mais il s’aperçoit rapidement en la trouvant en train de se contempler dans un miroir, que celle-ci est en fait coquette et narcissique.
Mais quelle a été la réaction du narrateur ?
Son amour cesse d’un seul coup
« « Elle m’aperçut à son tour dans son miroir, et rougit. Pour moi, j’entrai en riant, et ramassant mon gant : Ah ! Mademoiselle, je vous demande pardon, lui dis-je, d’avoir mis jusqu’ici sur le compte de la nature des appas dont tout l’honneur n’est dû qu’à votre industrie. Qu’est-ce que c’est ? Que signifie ce discours ? me répondit-elle. Vous parlerai-je plus franchement ? Lui dis-je, je viens de voir les machines de l’Opéra. Il me divertira toujours, mais il me touchera moins. » »

Dans les Confessions de Jean-Jacques Rousseau

Madame Basile, Episode du « Miroir »
Au livre II des « Confessions » de Rousseau, Jean-Jacques pénètre discrètement dans la chambre de sa bienfaitrice madame Basile, et, croyant à tort qu’elle ne peut le voir (en réalité, un miroir le lui permet), il décide de lui manifester son amour d’une manière surprenante.

Le Portrait de Dorian Gray

C’est un roman d’Oscar Wilde, publié en 1890 et écrit dans le contexte de l’époque victorienne.
L’auteur y inclut des thèmes relevant de l’esthétique tels que l’art, la beauté, la jeunesse, la morale et l’hédonisme
Oscar Wilde dans le « Portrait de Dorian Gray », racontant l’histoire d’un jeune dandy qui fait le vœu de rester éternellement jeune, vœu qui est exhaussé puisque son portrait seul prend les marques de son âge, et devient le miroir de sa vieillesse ?

Le poème de Louis Aragon

Le poète donne-t-il à voir un monde en crise dans le reflet de sa femme peignant ses cheveux couleur « incendie » ?
Elsa au miroir
« Et pendant un long jour assise à sa mémoire
Elle voyait au loin mourir dans son miroir
Un à un les acteurs de notre tragédie
Et qui sont les meilleurs de ce monde maudit »
D’après la description que Aragon nous bâtit des cheveux d’Elsa, nous pouvons en déduire que l’auteur se tient derrière sa femme, celle-ci se tenant assise à sa coiffeuse.
Or, le miroir ne reflète pas le visage d’Elsa comme il devrait le faire, mais, d’après les dires d’Aragon, ce miroir reflète bien d’autres choses …
En effet, c’est un miroir qui sert à la fois de « rétroviseur » et de « projecteur ».
Rétroviseur car Aragon y voit les évènements du passé, et y revit ses souvenirs. Mais c’est aussi un projecteur car il y voit les évènements du présent.
Ce miroir montre également la télépathie entre Aragon et sa femme.
En effet, les deux personnes voient la même chose, mais sans se parler.
« Sans dire ce qu’une autre à sa place aurait dit ».
Le miroir reflète leurs angoisses intérieures.
Il s’agit d’une interprétation d’Aragon à propos des pensées de sa femme :
« Je croyais voir », « j’aurais dit » (deux fois) etc. …
La signification est de plus en plus intense au long du texte. Le miroir devient la mémoire dans le vers:
« Et pendant tout ce long jour assise à sa mémoire ».
Le miroir devient le pivot entre le monde et le jugement d’Aragon sur celui-ci :
« Le monde ressemblait à ce miroir maudit ».
C’est le monde qui est maudit, et par là-même la mémoire d’Aragon qui lui fait revivre de difficiles moments.
On peut penser que la seconde guerre mondiale lui rappelle les horreurs de la première.
Le miroir et la coiffure révèlent certains aspects d’Elsa : tandis que le miroir est source de perturbations, Elsa les atténue par sa douceur :
« Patientes mains », « calmer ».

Miroirs et jeux de miroirs dans la littérature médiévale

Fabienne Pomel (dir.)

Des historiens de l’art et des littéraires s’associent pour aborder le miroir comme objet, comme métaphore et comme procédé de structuration des textes et des images au Moyen Âge.
Ils tentent de voir comment et pourquoi une symbolique spécifique s’est développée autour du miroir dans cette période.
Le miroir, objet de l’entre-deux et de l’être comme, est fondamentalement ambigu : outil de connaissance ou du simulacre, figure de séduction ou leurre, il captive et fascine.
Instrument d’une représentation néoplatonicienne du monde, mais aussi d’une pensée sotériologique chrétienne, le miroir pose, outre le problème de l’identité (divine, individuelle, sexuelle), celui de la représentation.
Dans la figure du miroitier se retrouvent en effet Dieu et l’artiste, ce qui traduit une interrogation sur le droit de cité du fantasme et de l’illusion, portés par la pratique littéraire et l’image au Moyen Âge.
Métaphore privilégiée du livre, le miroir exige une interprétation pour échapper aux pièges de la captation.
Le recueil, articulé en cinq sections et ponctué d’extraits de textes médiévaux convoquant à divers titres le miroir, propose un parcours à travers la littérature encyclopédique, les textes narratifs, dramatiques et/ou didactiques, mais aussi les enluminures ou les valves d’ivoire raffinées qui enserraient les miroirs que s’offraient les amoureux.

Miroirs et peintures

Les miroirs font leur apparition dans la peinture à la fin du moyen-âge, en Flandres.
En peinture, le miroir permet d’élargir l’image, de refléter ce que l’œil ne voit pas…
Donc de monter le hors champ.
Les miroirs sont convexes et furent appelés des « miroirs de sorcières » car on leur attribuait des pouvoirs magiques.
On en trouvait beaucoup dans les foyers flamands.
Placés en face d’une fenêtre, ils permettaient de diffuser beaucoup de lumière dans l’intérieur des maisons.
Et je terminerai par cette citation de Stendhal
« Un roman : c’est un miroir qu’on promène le long d’un chemin »
A noter que cette phrase se trouve en exergue du chapitre XIII du « Rouge et le Noir ».

Nous verrons dans une prochaine partie, l’influence du miroir sur le spirituel et la psyché

Franca Gagliardi

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire